Article intermédiaire sur l’an Mil
Posté par LPBSM le 5 août 2011
Bonjour,
J’ai longtemps hésité à ne faire qu’un article sur la « Rivalité des comtes pour le Duché » de Bretagne pour expliquer l’évolution de la ville de Rennes du Xème au XIème siècle ; mais comment expliquer les profondes transformations qui vont advenir en l’an 1000 sans évoquer l’influence que Gerbert d’Aurillac (qui deviendra le pape Sylvestre II) aura sur son siècle et ceci jusqu’au XIIIème siècle … ?
Toute la culture de la société franque, et donc celle de ses vassaux, sera profondément transformée par la culture d’Al-Andalus (les Omeyyades « réfugiés » (il serait sans doute plus juste de dire les « envahisseurs ») en Espagne après le massacre de leur famille par les Abbassides) qui influencera les monastères de Catalogne par la reconnaissance de l’excellence intellectuelle que représente la cour de Cordoue ; le comte Borrell II de Barcelone permettra à Gerbert d’Aurillac de venir dans ses universités de l’époque (autrement dit ses monastères qui sont les seuls endroits où l’on forme les lettrés, à cette époque) et d’en traduire en latin les multiples ouvrages de la cour de Cordoue (al-gèbre et astronomie) .
Le Califat Omeyade ou Umayyades de Cordoue sous le règne d’Abd al-Rahman de 929 à 1031 .
J’en profite pour faire une petite incidente sur les nombreuses auberges de l’époque « Au Lion d’or » (qu’on retrouve partout encore dans la France d’aujourd’hui) parce que, bien que cela soit écrit, le pictogramme du Lion doré permettait aux nombreux illettrés de savoir que l’auberge fournissait des lits (« Au lit on dort ») et que l’on ne coucherait pas juste au-dessus des chevaux à la place du foin déjà consommé qui faisait une trouée dans le grenier (là où l’on stockait le fourrage et le grain) .
Si vous désirez savoir où ce lieux de charme se trouve cliquez
Puisque nous en sommes aux auberges et au mobilier qui les compose, sachez que nos « armoires » viennent du meuble où l’on rangeait les armes ; que le bahut vient du terme de « bas huttier » qui permettait de faire une marche au lit-clos (pour la Bretagne) afin d’y pourvoir grimper car l’humidité de la terre battue imposait qu’on s’éloigne le plus possible du sol, et que ce meuble était réservé au rangement des vêtements de chasse . Parfois, cela n’était qu’un coffre qui permettait aux habitants de transporter rapidement dans la « basse-cour » du château les biens que l’on voulait préserver quand le tocsin sonnait, donnant l’information qu’une troupe de brigands (malandrains au XIV ème siècle) arrivait .
La vitre n’existait pas et au mieux on avait du papier huilé aux fenêtres ; donc il faisait sombre à l’intérieur et la chandelle était chère (les meilleures chandelles venaient de BOUGIE, en Afrique du nord) d’où, au XVIème siècle, cette expression de « brûler la bougie par les deux bouts » signifiant gaspiller .
La cheminée était située au milieu de la maison pour diffuser sa chaleur à tout le bâtiment (surtout avec des toits en chaume) ; dans les villages le moindre brandon enflammant l’une des maison se communiquait rapidement à toutes les autres . L’âtre était donc particulièrement surveillé . L’âtre servait également d’éclairage pour les veillées .
Dans ces auberges du « Lion d’or« , on se mettait en « chainse de nuit » (chemise de nuit aujourd’hui) après avoir pris un bain réparateur dans un « tub » (baquet en vieux françois) ) .
J’insiste sur l’influence de la langue anglaise, à cette époque, qui est plus que nécessaire pour les échanges commerciaux avec la Normandie et l’Aquitaine :
Le Royaume de Francie au temps des derniers Carolingiens d’après « L’Héritage des Charles » de L. THEIS, Seuil, Paris, 1990, p.168 .
Le parcours de Gerbert d’Aurillac est tout à fait singulier à cette époque car celui qui était pauvre et qui était accepté au monastère (donc à l’université) devait payer cet honneur en acceptant de faire les tâches quotidiennes que les fils de la noblesse ne faisaient pas . Il était donc très difficile de sortir d’un monastère .
Si le Comte BORRELL II le sort de son monastère d’Aurillac, sa rencontre avec le pape Jean XIII sera le déclic qui lui permettra d’accéder au poste de précepteur du futur empereur Othon II du Saint Empire Romain Germanique .
Il enseignera également à l’archevêché de Reims au fils d’Hugues Capet (futur roi de Francie et alors comte de Paris) Robert et, après avoir été le précepteur d’Othon II, il sera l’écolâtre de son fils Othon III .
Gerbert introduira la musique et le chant dans les églises, ce qui fut jugé comme profane à l’époque, car il y voyait un rapport avec les mathématiques ; cela était cependant pratiqué couramment dans les monastères .
Il adoptera et fera adopter la numérotation arabe pour le calcul, plus pratique que la numérotation romaine, sans toutefois aborder la notion de « zéro » (trop risqué de définir le vide) dans une époque où Dieu est omnipotent et omniprésent ; ce qu’attestent les nombreuses constructions d’églises .
A peu près la moitié d’entre elles seront dédiées à Myriam de Magdala (Marie-Madeleine) qui semble être reconnue à l’époque comme l’épouse du Christ, donc de sa filiation .
Ici la répartition des églises dédiées à Marie-Madeleine au XII éme siècle
Certains rois Mérovingiens justifieront leur titre en alléguant leur lignée christique ; d’où la forte croyance en une descendance christique à cette époque (voir l’article de Wikipédia sur le « Mund » et la sacralisation du pouvoir royal au détriment du contrôle sacerdotal qui usurpe littéralement cette fonction : http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9rovingiens#Une_royaut.C3.A9_guerri.C3.A8re_et_sacr.C3.A9e) .
Plusieurs papes et rois (en particulier Louis XI qui fera don d’une luxueuse chasse aux gardiens de la grotte) feront pèlerinage à la Sainte Baume où elle serait morte en ermite (est-ce un hasard si le chemin qui y monte s’appelle le chemin des rois ?) .
Les dominicains, qui en ont toujours la charge aujourd’hui, ont toujours beaucoup de mal à aborder les écrits de Jacques de Voragine (La légende dorée) racontant la vie de nombreux saints, sans en transformer certains passages (Jacques de Voragine, évêque de Gênes appelle Marie-Madeleine : « la francese » (la française)) .
La transformation imposée par le Vatican du nom de Marie-Madeleine en Marie, reste toujours à ce jour un problème sulfureux car toute la société y compris la royauté est basée sur la notion d’héritage .
Il est également difficile de passer sous silence le culte particulier que vouaient les Cathares (venant du grec et signifiant « pur » qui étaient, à l’époque, nommés Bogomiles ou Albigeois) à Marie-Madeleine . Les deux liens suivants sur le sujet vous montre qu’encore, à nos jours, il y a des façons différentes d’aborder le sujet :
Le pape Innocent III (1198-1216), après l’échec retentissant du lancement de la quatrième croisade en 1199 qui aboutira au pillage de Constantinople et au massacre de nombreux byzantins en 1204 par les croisés et les vénitiens, prépara la cinquième croisade dès 1212 (Cette quatrième croisade avait laissé encore des traces non cicatrisées jusqu’en 2004 quand Bartholomée Ier, patriarche de Constantinople, ayant été reçu au Vatican par Jean-Paul II, ce dernier lui aurait alors demandé : « Comment pouvons-nous, partager après huit siècles, la douleur et le dégoût ». Cela a été considéré comme une excuse à l’Eglise orthodoxe grecque du terrible massacre perpétré par les guerriers de la quatrième croisade … Cette croisade aboutira à la création d’un l’Empire Latin de Constantinople qui durera jusqu’en 1261 . Deux chefs francs convoiteront le titre impérial : Boniface de Montferrat et Baudoin IX de Flandre . Préféré à Boniface de Montferrat, Baudouin de Flandre sera élu empereur sous le nom de Baudouin Ier, le 16 mai 1204 . )
- .L’empire Latin Byzantin en 1230
L’autre objectif de ce pape politicien fut de faire taire l’hérésie qui menaçait directement la reconnaissance du chef de « l’Ecclésia » par une reconnaissance héréditaire d’une descendance qui ne devait plus être incarnée à cette époque ou qui n’en a guère laissé de traces écrites .
Il lancera donc, après avoir confié les négociations aux Cisterciens de 1207 à 1208, le prêche de la croisade contre les Albigeois en 1209 . Pour ce faire, il inventa la notion « d’exposition en proie » où l’église n’avait pas à utiliser le droit séculier mais offrait, à ceux qui parviendraient à conquérir les châteaux cathares réputés imprenables, tous leurs biens et terres passant par dessus la suzeraineté royale .
Simon de Monfort IV, comte de Monfort l’Amaury, sera celui qui arrivera à fédérer une armée pour prendre Bézier puis Carcasonne puis les autres villes les unes après les autres (Albi, Castelnaudary, Termes, etc … jusqu’à Toulouse où il trouve une mort peu glorieuse le 25 juin 1218...) .
Ce buste de Simon de Montfort a été réalisé par Jean-Jacques Feuchère (1807-1852) d’après l’idée que la royauté se faisait d’un de ses alliés .
Quand les croisés prenaient une ville, ils allumaient de grands bûchers où, nous disent certaines chroniques, le cathares se précipitaient en chantant . Il est clair que « l’hérésie » cathare prônant la non violence, il lui était difficile de lutter contre des croisés entraînés à la guerre et dont c’était très souvent la seule activité .
Voilà, j’ai essayé de vous mettre dans l’ambiance d’un moyen âge où les hivers seront moins rudes et où la démographie augmentera de façon significative en Europe du nord et par voie de conséquence de récoltes abondantes .
Nous allons revenir à Rennes dans l’article suivant et nous verrons que les raids Vikings auront laissé leurs traces sur l’effort des habitants pour créer des « mottes » ou des châteaux fortifiés afin de se mettre rapidement à l’abri des bandes de pillards .
[ Les « mottes » sont des villages médiévaux juchés sur des tertres et entourés d’une enceinte de pieux en bois (au début) avec des tours de surveillances (au nombre variable) qui apprendront bien vite qu’avec les nouvelles techniques, qui utilisent de la poix, même du bois vert peut devenir inflammable ; les nombreux villages médiévaux perchés sur une colline (butte naturelle) mais qui seront pillés très régulièrement (« Au Xe siècle, les châteaux forts prolifèrent, parfois au mépris de toute légalité, leurs propriétaires exerçant protection et domination sur les territoires alentours. Dans ces temps incertains d’invasions et de guerres privées continuelles, les habitants viennent se regrouper à proximité du château ce qui légitime le châtelain et l’exercice du ban seigneurial . Celui-ci peut imposer taxes, péages, corvées, banalités (usage imposé d’équipements seigneuriaux à titre onéreux : fours, moulins…) levées par ses sergents . En échange, les vivres stockés au château pourvoient à la survie des manants (vient du latin « résider ») réfugiés entre ses murs en cas de pillage . » Extrait de Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Paix_de_Dieu) .
Aujourd’hui de nombreux villages ou localités portent encore la trace de ces origines médiévales : La Motte (village du Var), La Motte Chalancon village en Drôme Provençale, la Motte-Servolex en Savoie, La Motte d´Aigues est un village fortifié, fondé au XI ème siècle condamné par l´arrêt de Mérindol en tant que village vaudois, Quiéry-la-Motte (sous Lille), Lamotte-Beuvron (Sologne), Domaine de la Motte dans les Ardennes, …
… et parfois encore plus explicite : Le château de la motte (Liesses), Château de la Motte à Usseau (Vienne), le Château de la Motte Fénelon (Cambrai), Château de La Motte-Tilly (Provins), etc …
Les Mottes qui entouraient les habitations seront vite remplacées par des unités de plus petites surfaces mais édifiées en pierre où l’on pourra se réfugier le temps du pillage ] .
La multiplication de ces places fortes posera des problèmes par la suite à l’unification du royaume, mais cela est une autre histoire .
J.M. MARTIN pour LPSM
P.S. : Vous pouvez consulter le site Archéologie et patrimoine sur le costume moyen-âgeux.
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